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Histoire et patrimoine

Etymologie

Il y a un mot carré, du latin Quadra, qui a en patois Avranchinais, le sens spécial de pointe et dont les diminutifs sont carelle (pointe de la carelle dans la baie du mont st michel), et carolles, d'où Carolles.

La Préhistoire

Le site de la cabane Vauban a été habité dès l'époque préhistorique, ainsi en témoignent les nombreux silex taillés trouvés dans ce lieu. A quelques kilomètres de Carolles, dans la commune de Bouillon, existe un mégalithe, le menhir de Vaumoisson, appelé aussi Pierre du Diable.

 
La Conquête Romaine et la Résistance Gauloise

Les Châtelliers et l'oppidum gaulois. Sur la falaise, autour de la cabane Vauban en bordure du bois des Châtelliers, se trouvent les vestiges d'un oppidum gaulois, il s'agit d'un double camp figurant un trapèze accolé à un arc de cercle (camp de refuge) situé au nord de la première enceinte. L'enceinte trapézoïdale est tracée à l'ouest par le rebord de la falaise ; au sud, à l'est, et au nord par 3 levers de terre couverts d'ajonc, empierrée à la base. Cet oppidum de falaises doit être mis en rapport avec la résistance gauloise à la conquête romaine 58-50 avant JC. Ce camp était desservi par une petite voie antique, qui traverse la lande de Beauvais et qui se détache d'une voie plus importante à St Michel des Loups. A l'époque galo-romaine la région faisait partie de la tribu de la cité des Abricantes, dont le territoire correspondait à celui de l'ancien diocèse d'Avranches. Le chef lieu en était l'égédia (avranches). Les abricantes étaient séparées des Unelles (habitants du Cotentin) au nord de la rivière Le Thar.

 


L'évangélisation de la Région Sissy (St pair sur Mer) ou la Terre des Saints

La région était évangélisée au VI siècle. A l'époque St Pair sur Mer était une bourgade importante qui s'appelait Sessiac ou Scissy. St Pair et st Scubilion, venus de Poitiers y fondèrent l'abbaye de scissy à l'emplacement de l'église actuelle, après avoir détruit un temple païen. St Pair en fut le premier abbé avant de devenir évêque d'Avranches. St Pair et St Scibilion fondèrent en outre d'autres monastères, notamment celui de Mandane, qu'on a jamais réussi à localiser et dont St Scibulion fut l'abbé. Dans l'église de st pair sur Mer, on peut observer les tombeaux et sarcophages des 5 Saints qui vécurent à Scissy au VI siècle : St Pair, St Scibilion, et aussi St Gaud, St Arroaste et St Senier qui succèdera à St Pair comme évêque d'avranches.

 


La Lêpre : les Chapelles et la Léproserie St Clément

Une centaine de mètres au nord du camp gaulois sur le chemin des douaniers, au lieu-dit les chapelles, se trouvent les vestiges d'une construction, un pan de mur est dégagé au ras du sol. D'aucuns y on vu, à tort, le fameux monastère des Mandanes, fondé au VI siècle par St Pair et St Scupilion. En réalité, il s'agit de la chapelle de St Clément. Cette chapelle qui remonte au moins au 12e siècle, faisait partie d'un monastère destiné à servir de léproserie, aux moines du Mont St Michel atteints de la lèpre. Elle subsistait encore au commencement du 18e siècle. A quelques kilomètres de là, à la Croix St Blaise, en limite de Champeaux et St Michel des Loups, se trouvent les vestiges d'une autre léproserie, la maladredie St Blaise, dotée pat Henri II Plantegenêts et Guillaume de St jean et supprimée par Louis XIV, qui ordonna sa réunion à l'hôpital d' Avranches, d'autres léproseries, maintenant disparues, existaient également à Bouillon et à Genêts.

 


La Féodalité

Le bois de Carolles, le Manoir du Hamelet, Les Anciens seigneurs et les moines du Mont St Michel.

Les anciens seigneurs de Carolles figurent rarement dans les chartes. Au 12e et 13e siècle sont cités quelques seigneurs appartenant à la famille de Carolles. Au 6e et 7e siècle, les seigneurs de Carolles étaient de la famille de la Ferrière, dont les armoiries étaient à 6 fers à cheval, 3, 2 , 1. Les seigneurs de Carolles n'ont laissé d'autres souvenirs que leurs contestations avec les religieux du Mont st Michel. Les moines du Mont St Michel avaient reçus, en effet, très anciennement, d'importantes dotations dans la paroisse de Carolles. En 1013, Robert le Magnifique leur avait donné le bois de Crapate, entre la Vallée des Peintres et le Village de la Mazurie, en même temps que celui de Noiron, à l'emplacement du Trait des Nérons, et la forêt de Bivie abattue pendant la guerre de cent ans par Charles VI, pour construire avec le bois, une flotte destinée à débarquer en Angleterre, c'est la lande de Beauvais actuelle. L'Abbaye du Mont ST Michel possédait également le moulin et l'étang de Carolles et revendiquait certains droits sur la plage (droit de prise d'esturgeons et des oiseaux) Le château primitif de carolles dont il ne reste aucune trace était situé au bois de carolles près du cimetière. Pour des raisons inconnues, les seigneurs de la Ferriere et leurs descendants habitèrent le manoir du Hamelet…

La cabane Vauban

La Défense du Littoral au 17e et 18e Siècle

La Vigie ou la Cabane Vauban. Vigie postée au Nord de la Baie du Mont St Michel, la cabane Vauban est un petit bâtiment de pierre avec aussi une toiture en pierre. Un corps de gardes fût construit en cet endroit parmi plusieurs édifices similaires échelonnés sur le pourtour de la baie du Mont St Michel, quand la défense du littoral fût réorganisée par Vauban à la fin du 17e siècle, car l'anglais restait toujours l'ennemi héréditaire. Vauban visitant les défenses de Granville et du Mont St Michel en 1699, ne s'arrêta sans doute pas à Carolles.

Pendant 125 ans, cet édifice fut utilisé comme corps de garde par les gardes côtes, recrutés parmi les habitants des villages voisins, chargés d'assurer le guet de la mer afin de prévenir d'éventuels débarquements ennemis. Les gardes côtes observaient les mouvements des navires et correspondaient au moyen de signaux optiques (pavillons, fumées ou feux), avec des postes établis au Mont St Michel et à la pointe du Roc à Granville. Les signaux avertissaient les capitaines des bâtiments et les gardes des batteries des mouvements qui se faisaient dans la mer.

Les Luttes du Consulat et de l'Empire contre l'Angleterre eurent pour conséquences un renforcement de la défense de la côte. Il est probable qu'à cette époque, le corps de garde fut restauré ou reconstruit. Désaffecté après 1815, ces édifices furent utilisés quelques temps par l'administration des télégraphes, puis ne servirent plus que d'abris occasionnels pour les douaniers.

Ils ont été ensuite aliénés par les communes auxquelles ils appartiennent. La dernière propriétaire de la Cabane de Carolles en a fit don à la commune en août 1953. Trois autres corps de garde identiques sont encore visibles dans la région, Champeaux, St Jean le Thomas et Bouillon ( en ruines).

Le bourg au début du XXème siècle

Au 19e siècle Carolles n'était qu'un simple village de pêcheurs et cultivateurs, on ne voyaient guère que des femmes et des enfants, les hommes étant partis à la grande pêche.

Un boulanger venait deux fois par semaine de Sartilly, un boucher de Champeaux apportait la viande tous les vendredis. Une épicerie de campagne tenue par les gardes-champêtres et une auberge renommée fréquentée par les rouliers (devenue l'hôtel Benit, puis le relais de la Diligence) au milieu de quelques chaumières, tel était l'aspect du petit village.

Au centre du pays existait un vaste champ, le champ de la coquerie, où les habitants se réunissaient pour danser les jours de fête, et autour duquel les maisons du bourg de Carolles se trouvaient rangées comme des spectateurs autour d'une arène.

Cà et là, quelques hameaux perdus dans la campagne, dont certains sont actuellement abandonnés ou en ruines, comme la Manouillère.

Le long du rivage jusqu'à St Pair sur Mer là ou se trouvent actuellement les stations balnéaires de Carolles-Plage, Edenville Jullouville, se déployaient à perte de vue, de vaste étendues désolées de dunes solitaires, les mielles, qui n'étaient parcourues par aucune voie de communication.

Ailleurs des chemins boueux, impraticables une partie de l'année. Le seul chemin vers St Pair sur Mer et Granville passait par Bouillon à l'intérieur des terres.

Vers 1935 à Carolles...

Vers 1935 à Carolles, la camionnette Citroën du Sartillais Gilbert Malplanche (marchand de vins & spiritueux) est entrée en collision avec le train assurant la liaison Sourdeval-Granville. On distingue le mur du présbythère. Gilbert Malplanche revenait d'une livraison.

Autres Photographies d'Epoque

Naissance et développement de la station balnéaire

A Carolles plage la maison dite l'hotel du casino (aujourd'hui la résidence du Sextant) a été construite en 1901. 

Ce n'est que vers la fin du 19e siècle que commençât l'essor des bains de mer, non seulement pour des raisons médicales mais pour le plaisir et la détente. Vers 1850-1860, les premiers baigneurs firent leur apparition.

Carolles fut alors découvert par une compagnie d'avranchinais, grands amateurs de pêche, charmés par l'aspect pittoresque du paysage. De cette façon vit le jour une plage de famille, ce qu'elle devait toujours restée essentiellement. Par la suite le développement des chemins de fer (inauguration du Paris Granville en 1870) et l'arrivée des réfugiés parisiens, chassés par l'invasion allemande de la guerre de 1870, firent connaître les plages de sable fin de la baie du Mont St Michel.

Ainsi s'éveillent au tourisme des communes pliées sur elles mêmes. On ouvrit des routes notamment des routes qui relient Carolles à St Pair, à travers la Grande Mielle et dont le chemin ombragé correspond à un ancien tracé. On construit des cabines de bains, des maisons et des villas, notamment sur les hauteurs de la Mazurie, les plateaux de la Croix-Paqueray et en bordure de mer sur l'ancienne Mielle. Puis apparurent les hôtels tels l'hôtel du casino, qui ne fût jamais casino, agences de locations et d'autres commerces.

Des arrêtés municipaux furent pris pour séparer les femmes des hommes à l'heure des bains. Plus récemment, on créa des campings et des parcs de stationnement. Plusieurs colonies de vacances contribuèrent pendant l'été à renforcer l'animation de la plage.

Edenville...

Peu à peu nâquit sur l'ancienne Mielle une agglomération de villas construites à proximité de la plage de Carolles.

Cette agglomération est partagée par le ruisseau du Crapeux, en deux communes : la rive gauche, dite Carolles-Plage, dépend de la commune de Carolles, tandis que la rive droite dite Edenville, appartient à Bouillon (aujourd'hui Jullouville).

C'est en 1884 qu fut construite la première maison édifiée près de la plage de Carolles. Cette maison destinée à un usage d'hôtel est élevée sur la rive droite du Crapeux, donc sur la commune de Bouillon, fut dénommé Edenville, nom qui un demi siècle plus tard, connut l'étrange fortune de servir de dénomination à l'ensemble de l'agglomération des maisons bâties à l'angle sud ouest de la commune de Bouillon.

Devant l'afflux des estivants, l'ancienne église fut agrandie, reconstruction du cœur avec adjonction de chapelles en 1933 -1934. Plus tard en 1961 une nouvelle chapelle fut construite à la plage, la chapelle de Notre Dame de Maudune. Parallèlement naissait la station balnéaire de Jullouville, situés à 2kms au Nord de la plage de Carolles, sur la commune de Bouillon, comme Edenville.

C'est en 1881 que Mr Jullou jetait les plans de la station balnéaire qui porte son nom. Mr Jullou et son gendre Mr Dupuy se rendirent acquéreurs d'une quarantaine d'hectares de mielles et en firent apport à une société civile en vue de lotissement des terrains et de l'établissement de la station.

 

Le tramway et le viaduc de la Vallée des Peintres

L'essor de la station balnéaire fut encore accentué par l'ouverture le 29 août 1908 d'un tramway reliant Granville à Sourdeval, par Avranches et le littoral. Un très beau viaduc enjambant la Vallée des Peintres (le pont du Crapeux).

A partir de1906 pour permettre le passage du petit train. Le projet souleva la protestation des baigneurs qui firent signer des pétitions. Actuellement les artistes dessinent le pont sur ses deux faces. Du fait de la substitution progressive de l'automobile à la locomotive, la voie fut fermée le 31 décembre 1935 et désaffectée.

Après avoir servi un certain temps de gare routière, le bâtiment de l'ancienne gare acquis par la municipalité en 1951 fut aménagé pour y installer les services de la mairie, dont l'inauguration eut lieu le 23 mai 1954. Quant à l'ancienne ligne de tramway elle a été maintenue à Carolles à l'état de chemin de randonnée pour le passage de piétons et de cavaliers.

Blanche Gendrin

Blanche Gendrin était cocher au tout début du siècle.L'hiver, elle était charretier de galet et, l'été elle faisait le taxi avec son attelage, entre la gare de Granville et au-delà de Carolles, pour aller chercher les baigneurs.

Elle était employée à l'hotel Bénit de Carolles et pratiquait la pêche à la bichette. Au début du siècle, les femmes n'avaient pas le droit de porter des pantalons ; Blanche Gendrin avait une autorisation spéciale en raison de son activité.

 

La Vallée des Peintres

Les artistes peintres et sculpteurs , la vallée des Peintres. Concurremment avec l'afflux des baigneurs, Carolles a bénéficié depuis 1860 de l'attrait exercé sur ses sites pittoresques sur les artistes, peintres et sculpteurs. Nombre d'entre eux y ont fait des séjours prolongés et même y ont établi résidence.

Leurs œuvres ont largement contribué à faire connaître et apprécié cette région de l'avranchain. Citons le sculpteur Jules Blanchard, les peintres Edmond Debon, Emile Dardoize et son gendre Ernest Simon, dont le fils, Jacques Simon avait son atelier à la Bellengerie, Constantin Leroux, Baudoux, Pierre Berthelier, Albert Depré, René Durelle, les sculpteurs Etienne Leroux et Henri Delaspre et l'architecte Victor Petitgrand.

La vallée des peintres arrosée par le ruisseau du Crapeux, qui forment la limite de la commune se nommait Vallon Bouvet, au 18e siècle et Ravin de la trésorerie au 19e siècle.

Avant 1840 c'était la vallée la plus sauvage et la plus nue de la contrée. En 1840 on y ouvrit une carrière. C'est à cette époque que les arbres y furent plantés par MM Ducoudray. Les habitants ont donnés le nom de la Vallée de Peintres, vers 1900, époque où ils voyaient souvent des ombrelles blanches abritant des chevalets.

La guerre 1939-1945

Débarquement

Arrivée des Alliés dans Carolles été 1944.

Les premiers Américains dans une Jeep sont accueillis par leur compatriote, madame Couzon.

La guerre 39-45, les blokaus, et la mer de l'atlantique . Pendant la guerre 39-45, le Pignon Butor fut occupé par l'armée allemande, qui s'installa dans les villas.

 La villa Tournefeuille devint le siège d'une Ortskommandantur.

 La falaise du Pignon Butor a fait l'objet de travaux de défense importants de la part des allemands (mur de l'Atlantique).

Des blockhaus encore visibles furent creusés dans le roc pour y installer deux batteries.

A côté de la villa Eole fut construite une vaste casemate souterraine.

Des mines furent posées le long du littoral. 

Toute la partie de la falaise située au nord du carrefour de la Croix Paqueray et du chemin des pendants fut interdite aux civils. Rommel vint en 1944 inspecter les travaux.

La Mémoire locale, la Vie Quotidienne

Réquisition des récoltes et cheveaux

Juin 1940

Le premier détachement allemand entre à Carolles. Les premières menaces prises par les autorités allemandes font prendre conscience de ce qui attend les Carollais.

Les villas sont réquisitionnées : Eole, Marikita, Jeanne d'Arc à la Croix Paquerais, l'Hôtel Bénit (à l'époque M. et Mme CAHARD). La Komandantur est installée à la villa "Gabriel".

A Carolles plage le casino (le Sextant aujourd'hui) est entièrement occupé. Le couvre-feu est instauré de 10 heures du soir à 6 heures du matin.

L'occupation est subie et vécue calmement par les Carollais.

La Croix Paqueray

 


La Croix Paqueray en bois à l'origine, puis en granit a été érigée en 1815 dans la solitude du Pignon Butor au lendemain de la guerre de l'empire. En mémorial aux morts de ces guerres, auxquels la commune de Carolles avait fourni un contingent de soldats particulièrement élevé.

 

En été les jeunes gens et les jeunes filles se réunissaient après les vêpres près de la Croix Paqueray et se livraient à des jeux et à des danses qui firent l'objet de sermons réprobatoires de la part du clergé. Vers 1750 une croix existait déjà sur cette falaise.

 

La Croix Ste Barbe

 

Autrefois au milieu du bourg existait une croix très ancienne, la Croix Sainte Barbe.

 Elle a été remplacée en 1829 par une croix neuve et à laquelle les habitants du village et les combattants de la grande guerre ont substitué en 1918 la petite croix qui se trouve actuellement au village de la croix.

 

 

Guide de Carolles par le docteur Olivier en 1922

Préface

Tous ceux que le hasard des vacances a conduits dans cette région limitée par la mer, Granville, Avranches et le Mont Saint-Michel, en sont revenus ravis.

 

Ce pays est en effet charmant, la nature .y est belle et variée, la plupart des églises datent du XIIIe et du XIVe siècles; on _y trouve des manoirs comme celui de Brion, ce véritable bijou de la renaissance ; de vieilles Abbayes comme celles de la Lucerne, d'Hambye et du Mont Saint-Michel.

 

La côte de Granville à Genêts est superbe, les plages sont de sable fin et très sûres. Et cependant ce pays est encore peu connu. Cela tient sans doute à ce due les grands guides en parlent à peine. Parcourant à pied tous les étés cette région depuis plus de vingt ans, nous la connaissons à fond.

 

Cédant à la sollicitation de nos amis nous publions aujourd'hui les nombreuses notes que nous avons recueillies; nous ne le faisons qu'après les avoir complétées par la lecture des ouvrages des auteurs qui ont écrit sur la région, notamment ceux de Le Héricher, l'Avranchin monumental et historique; René Le Conte, l'Abbaye d'Hambye ; louis négrier, l'Abbaye de la Lucerne ; Alfred Chaumeil, Le Château de Chanteloup; Bd. Corroyer, le M'ont Saint-Michel. Nous les avons illustrées de photographies personnelles et nous avons ajouté une carte qui permettra aux touristes de faire sans difficulté les excursions conseillées.

 

Puisse ce guide régional contribuer à rendre plus agréable encore le séjour des baigneurs, qui chaque année viennent plus nombreux se reposer sur le littoral de la Manche.

 

Ad. OLIVIER.

 

CAROLLES

 

 


 

 

Le Bourg - Le Tour de Carolles

A. Le Bourg

Carolles tire sans doute sou nom de Carolla qu'on traduisait encore au Moyen-age par Carolle et qui signifie danse (1). Il y a quarante ans à peine, il y avait encore au centre du pays un champ qu'on appelait la Coquerie (2) où l'on dansait aux fêtes. Les archéologues pensent que le mot Carolles vient de Ker‑Hoel ou Caer‑Oel, qui, eu Gaulois, signifie habitation élevée; aucun souvenir, aucun vestige n'autorise â croire qu'une habitation élevée, palais ou forteresse, ait jamais existé dans ces parages. I1 y eut cependant au moyen âge un château qui était situé au lieu qu'on nomme le Bois de Carolles. Une forte dépression de terrain qui se trouvait en avant et à droite de la ferme du Bois de Carolles était le seul vestige des douves de l'ancien château; on l'a récemment comblée.

 

M. l'abbé Bertot, curé de Carolles, ayant eu l'occasion de feuilleter des archives de famille, y a trouvé les renseignements suivants sur les Seigneurs de Carolles (3)

 

Parmi ces seigneurs, on trouve Robert de Carolles cité en 1156 dans le cartulaire du Mont Saint-Michel, Robert II est rappelé dans le même cartulaire en 1214. Aux assises d'Avranches, en 1225, apparaît Nicolas de Carolles. En 1327, Robert de la Rochelle tenait le fief de Carolles de Messire Olivier Paynel.

 

Le 26 février 1670, le sieur François, seigneur de Matignon, Comte de Thorigny et de Montmartin, baron de Saint-Lô, de la Roche Tesson et autres lieux, dans son aveu au Roy, déclare tenir, parmi quantité de fiefs importants, le quart du fief de Carolles appartenant à Hervé de la Ferrière (XVIIIe B. de la Soc. d'Arcliéol. dit départ. de la Manche). Les de la Ferrière portent d'or à six fers à cheval et d'Azur.

 

« Le 12 mai 1689, Jacques Gallien entre dans la famille des de la Ferrière par son mariage avec Anne Caquevel, fille de Claude de la Ferrière et de noble homme Sinon Caquevel, sieur des Périères.

 

« Nous trouvons, le 3 octobre 1691, l'acte de baptême de Louis Gallien, fils de Jacques et d'Anne Caquevel.

 

« Le 18 octobre 1713, a lieu le mariage de ce Louis Gallien, adjudant de marine, avec Marie Lhostellier, fille de Pierre et de Marie Alleaume.

 

« Le 7 janvier 1788, leur fils Pierre Gallien épouse une, demoiselle Hugon de la Coquerie, fille de Bernard Hugon et de darne Françoise Couray du Parc, nièce de La Valette Hugon, nommé lieutenant de frégate en 1760 par Louis XV

 

« Le 19 septembre 1825, naquit Hippolyte Carbonnet, fils de Pierre Carbonnet, avocat à Avranches et de dame Marie Gallien fille du précédent seigneur de Carolles.

 

« Leur fille, la dame Pauline-Françoise Carbonnet, veuve Pottier, tante du regretté M. Carbonnet et de Mme La Croix, resta jusqu'à sa mort propriétaire du vieux manoir du Hamelet qui appartient actuellement à Mme Lalleman.

 

« A quelle date et par suite de quelles circonstances les seigneurs de Carolles quittèrent-ils leur vieux château pour venir habiter le manoir du Hamelet ? C'est ce que nous n'avons pu découvrir.

 

« Le vieux manoir a été lui-même presque détruit par un incendie en 1904. Il n'en reste plus qu'un pan de mur avec trois fenêtres et un pigeonnier où l'on trouve place pour, plus de mille pigeons ».

 

Il y a cinquante ans à peine, Carolles n'était qu'un simple village de pêcheurs bâti sur un plateau aride limité par deux vallées : la vallée. du Crapot, la rivière de Carolles qui va se jeter à la mer au port du Leuh ou du Lud; et la vallée du Léquet ou Crapeut, le ruisselet qui va se jeter à la mer au port du Pignon Butor ou Butte or. ,Il n'y avait ni boulanger, ni boucher; deux fois par semaine on apportait le pain de Sartilly; tous les vendredis le père Duchène, de Champeaux, apportait la viande; le garde champêtre tenait une misérable épicerie. I1 y avait cependant une bonne auberge où les rouliers ne manquaient pas de s'arrêter.

 

Aujourd'hui Carolles est un joli bourg qui prend chaque année de l'extension; on y trouve boulangers, bouchers, épiciers, poste, télégraphe, téléphone; le chemin de fer v arrive. Tous les ans on y construit de nouvelles villas. La plage est superbe et absolument sûre pour les enfants; la côte est bordée de splendides falaises; l'arrière pays est merveilleux et se prête, comme on le verra plus loin, à de nombreuses promenades. Enfin la température modérée dont il jouit en rend le séjour en été extrêmement agréable. Aussi le nombre des familles qui viennent y séjourner augmente-t-il rapidement chaque année*. Que serait-ce, si le pays était plus connu !

 

l'Église de Carolles, simple et rustique, est surtout intéressante par sa tour massive qui se termine par un toit en bâtière, et dont les fenêtres, les arcs doubleaux intérieurs et les piliers massifs couronnés en guise de chapiteau d'angelots grossièrement sculptés, semblent appartenir à la fin du XIVe siècle. Le vieux porche date du XVIIe siècle. Le chœur a été refait en 1695 et la nef rebâtie en 1730 Des traces d'une construction beaucoup plus ancienne se voient dans la substructure des murs du chœur. Ces vestiges, du reste peu caractérisés, peuvent remonter au XIe ou au XIIe siècle. Les fonts baptismaux remontent au XIIe siècle, ils sont constitués par une cuve carrée en granit montée sur quatre pieds et dont la paroi extérieure présente des reliefs arrondis.

 

L'église est dédiée à Saint Vigor, dont la statue est à droite du Maître-autel. On remarque surtout dans l'église une belle statue du XVe siècle en pierre, auprès de la chaire; une excellente reproduction du Mariage mystique de sainte Catherine et une vieille peinture sur bois représentant le Christ bénissant les petits enfants. A la sacristie on peut voir la croix de procession en argent qui a échappé, non sans peine, au vandalisme révolutionnaire.

 

La jolie croix ronde du cimetière est romane. A la sortie du cimetière (côté nord), on trouve une dalle en granit avec armoiries, sur laquelle on peut à peine déchiffrer cette inscription : Cy-gist le corps de La Ferrière qui a donné 7 livres de rente à l'église.

 

Vers le haut

B. Le Tour de Carolles

Faisons maintenant le tour de Carolles, et pour cela, prenons la route qui, contournant l'église, se dirige vers Groussey. A cinq cents mètres à peu près on voit à droite une magnifique allée d'arbres formant voûte, c'est l'entrée de la ferme du Hamelet,qui a été construite sur les ruines de l'ancien manoir. De celui-ci, comme nous l'avons dit, il ne reste que le Colombier et quelques ruines sans intérêt. Plus loin la route descend dans le ravin pour remonter presque aussitôt. Un peu avant d'arriver au sommet de la montée, à 50 mètres des premières maisons de Groussey, ou prendra à gauche un chemin de terre qui aboutit à une prairrie  qu'on traverse 'en biais et on arrivera à un chemin empierré qui est l'entrée de la Gorge du Pignon Butor, qu'on a aussi nommée la vallée du Léquet ou du Crapeut, et que tout.. le monde appelle la Vallée des peintres, parce qu'elle est très fréquentée par les peintres toujours nombreux à Carolles. C'est unes gorge profonde creusée dans un massif rocheux et sauvage, hérissée de blocs de schiste et de granit, dominée à droite par la Colline de la Neuvourie, à gauche par la Mazurie. Le sentier qui suit les méandres du ruisseau est bordé d'arbres où s'accrochent chèvre-feuille et houblon sauvage, ‑de fougères arborescentes et de fleurs variées, c'est un enchantement.

 

Malheureusement, depuis quelques années on a ouvert, presque en son milieu, dans les collines, des carrières de granit bleu qui, par leur développement, ne tarderont pas à la défigurer. Enfin on a jeté presque à sa terminaison, d'une colline à l'autre, pour le passage du chemin de fer, un pont qui n'a rien d'artistique.' Espérons que la végétation, en se développant, ne tardera pas à le cacher. Au pont du chemin de fer, le chemin se bifurque, mais qu'on prenne celui de droite ou celui de gauche, on débouche à peu près au même point sur la route de Carolles à Granville. C'est là que se termine la vallée des peintres.

 

En cet endroit, on a à droite la colline de 1a Neuvourie dont la pointe a été entaillée pour le passage du chemin de fer; à gauche le Pignon Butor que contourne la route de la plage; en face Edenville et la mer. Dans ces dernières années, à droite d'Edenville et au bord‑ de la mer, on a construit de nombreuses villas. A gauche sont les cabines de bain qui bordent la plage. A ce niveau le Pignon Butor décrit un demi-cercle dans le creux duquel on a construit un hôtel et quelques villas.

 

La plage de sable fin s'étend jusqu'à Saint-Pair, sans un creux, sans un trou, sans presque de graviers; aussi est-elle très sûre, d'autant que la marée monte toujours 'lentement.

 

De la plage, on aperçoit à gauche la pointe de Carolles qui termine le Pignon Butor. En se dirigeant de ce côté, on passe devant l'entre de deux grottes peu profondes que les anciens appelaient les Mines d'or. Mais y a-t-il eu vraiment des mines d'or en ce point? C'est l'avis de M. de Caumont qui dit : "On a découvert un filon métallique dans les carrières du Pignon Butte-or et tout annonce que des recherches bien dirigées feront découvrir des filons plus riches dont l'exploitation pourrait être avantageuse."

 

Voici maintenant la légende rapportée par Ch. Le Breton dans son opuscule sur Carolles (4).

 

"Un journal a raconté naguère en termes charmants, dus à la plume d'un écrivain qui aime et connaît Carolles (M. Suvigny) la légende des Mines d'or, où les fées antiques ont laissé leurs descendants, les fétiaux, proches parents des gnômes scandinaves ; malgré leur âge qui est souvent de plusieurs siècles et leur malice qui se plaît à jouer des tours aux pauvres mortels, on vous dira qu'ils ont parfois la naïveté des enfants, et, détail tout local, que les bénis bouillant dans leur coquille à l'entrée de leur grotte, leur ont causé un étonnement indicible. Ils ne restent pas toujours enfermés dans les entrailles de la terre, ils aiment à voyager dans la baie, grotesquement assis sur le dos d'une pieuvre ou Minardet leur promenade aux îles Chausey est une de leurs distractions favorites. On ajoute que les Mines d'or, dans leur état actuel, ne sont que le vestibule d'énormes galeries remplies de magnificence et s'étendant jusqu'à Tombelaine et au Mont Saint-Michel."

 

Si l'on franchit à marée basse la pointe de Carolles, on aperçoit la ligue des falaises éboulées qui s'étendent jusqu'au port du lud ; c'est ce qu'on appelle le Déruble. Les roches en s'éboulant ont roulé vers la mer sur une centaine de mètres environ, formant un véritable chaos par endroit ; c'est là qu'à marée basse les amateurs de coquillages vont récolter les bénis, les vignols, les big orneaux, sans parler des crabes et des anguilles qu'on trouve sous les pierres. C'est à la périphérie de cette zone qu'au moment de la pleine lune et des grandes marées on va pécher le bouquet avec un engin spécial appelé "bichette".

 

Revenu à la plage, on prend derrière les premières cabines de bain un escalier qui permet de monter au sommet du Pignon-Butor. Voici comment M. le Breton décrit cette région

 

"Le massif des falaises de Carolles a pour limites au Nord la Vallée ‑du Crapeut ou du Léquet, qu'on appelle 1a gorge du Pigeon-Butor, dominée à gauche par les hauteurs de ce nom que contourne la route des bains, et à droite par les coteaux sauvages de la Neuvourie: La falaise, d'un vert glauque, sillonnée de sentiers escarpés et qui s'arrondit comme un amphithéâtre au-dessus des bains porte le nom de plaine falaise; bientôt elle Ferelève pour former un cap dont le sommet s'appelle plateveie.Tout près sont les Menus ruets, au-dessous desquels se trouvent des grottes profondes appelées Mines d'or.Au sommet de la falaise, sont la cabane et la hutte en terre où veille le douanier eu face d'un splendide horizon. C'est aussi le poste préféré du touriste qui a en face de lui Cancale et sa baie, les îles Chausey et le promontoire de Granville. Ces hauteurs sont dominées par 1a Croix Paquerey.

 

Quand on s'éloigne de la plate-veie en suivant la sente des douaniers, on domine pendant quelque temps les falaises appelées Menus‑ruets ou ruisseaux. Puis c'est le Dérubleayant à sa base des roches séparées les unes des autres par des lits de sable et de terre; et cette falaise éprouve fréquemment &a éboulements. Le sentier atteint bientôt un vaste promontoire, la grande falaise, qui n'a de remarquable que. ses dimensions, mais d'où l'on découvre dans leur projection la plus avancée les côtes de Bretagne, puis se dirige vers l'intérieur des terres et débouche bientôt dans un charmant ravin appelé le Creux de la Fonte nelle, qu'arrose une source abondante fertile en cresson. Ce ravin. contourne en avant et à droite un amas de rochers festonnés 'de lierre qu'oui; appelle le nid au Corbin, parce que le corbeau solitaire se plait à nicher dans les anfractuosités de cettepittoresque muraille. La grande falaise et le Nid au Corbin dominent la gorge profonde appelée le port du Leuh ou du Lud (5). L'espace couvert de rochers et de pierres roulées qui s'étend dans la hier en face du port du Lud s'appelle l'Ure ou l'eau de Carolles. Le ruisseau de la vallée qui aboutit à la mer s'appelle le Crapot. En face de la grande falaise s'élève une autre falaise presque à pic qui limite à gauche le port du Lud; le touriste l'escaladera par un chemin de chèvre qu'on aperçoit aisément. Arrivé en haut, il voit au-dessous de lui d'un côté la grande abîme (la vallée du Lud) et de l'autre la nier au pied d'une falaise abrupte qui porte le nom significatif 'de Rocheplate et de Casse-cou. Il rencontre sur cette crête rocheuse la Chaire au diable, le Sard et Gargantua, autant de pierres qui dentèlent ces sommets solitaires et qui ont toutes leur légende. C'est de cette pierre de Gargantua que le héros de Rabelais enjamba sur la Bretagne et se soulageant de son éternelle humidité forma l'onde de cette baie.

 

Quelques mètres au-delà de la roche de Gargantua, on aperçoit au ras du sol des ruines au sujet desquelles on a beaucoup discuté. Pour M. Le Héricher il ne semble pas douteux qu'il s'agisse des ruines du Monastère de Maudune (6). M. Le Breton, chargé par la Société Archéologique d'Avranches d'examiner ces ruines et de formuler un avis, conclut son rapport en ces termes : D'un amas informe de décombres où les pierres même disparaissent sous la terre et le gazon de la falaise, nous avons exhumé une vaste enceinte de murs... qui révèlent deux sortes de constructions et assurément deux époques bien différentes : les restes de la petite chapelle, avec son abside semi-circulaire, présentent un moyen appareil essentiellement roman. Le mur central avec son blocage intérieur, semble dater du même temps. Comme ils peuvent remonter au vie siècle, si Maudune fut sur ces hauteurs, en voilà les seuls et derniers vestiges. Si les Normands ont fait ces ruines, ils n'ont fait que celles-là; et l'incendie que leur main dut allumer n'a pas rougi d'autres murailles; et, en effet, c'est là seulement qu'on trouve des pierres ayant subi l'action du feu.

 

Mais après ces ravages et cette désolation, des constructions nouvelles durent succéder aux anciennes, et, sans aucun doute, on vit un jour sortir des cendres de l'antique monastère la Chapelle Saint-Clément; le patron des marins venait se substituer sur ces hauteurs à Notre-Dame de Maudune. Mais l'oratoire nouveau ne fit pas oublier l'oratoire ancien. Unissant le souvenir vénéré du premier au respect que méritait le second, les habitants du pays appelèrent ce lieu les Chapelles pluriel significatif qui ne peut s'expliquer que par l'existence en cet endroit de deux chapelles successives.

 

Le nombre et l'aspect des restes de murs découverts en 1849 justifient la tradition qui place des moines sur ces falaises. Les deux grandes pièces sur le bord de la mer durent servir aux réunions des religieux, soit pour le repos, soit pour la prière ou le travail en commun. Les autres bâtiments plus nombreux et plus étroits bâtis à l'Est, sur le revers de la colline, servirent de cellules aux religieux.

 

Un coup d’œil sur le plan relevé le 3 septembre 1913 par le général Dupain, en présence de M. le Chanoine Bosseboeuf, président honoraire de la Société archéologique de Touraine, permet de constater combien est exacte la description de M. Le Breton.

 

Ancienne Abbaye et ancienne Léproserie, ces ruines dont le plan seul demeure dessiné sous le gazon de la falaise ont abrité de nombreux moines, puisque M. de Gerville, qui les avait explorées eu 1826, dans les mémoires des antiquaires de France, T. VIII p. 130, écrivait : "En creusant près de la petite enceinte on a trouvé beaucoup d'ossements humains, ce qui porte à croire qu'il y a eu titi cimetière."

 

Après ces ruines, le sol se relève et le sentier gravit les bords escarpés des Chatelliers,de ce double camp romain si exactement décrit par M. Le Héricher : Il figure assez bien un trapèze accolé d'un arc de cercle, un camp principal et un camp de refuge. L'enceinte trapézoïde est tracée par le rebord de la falaise abrupte et profonde, rehaussée d'un fossé, et par trois ligues de levées de terre, couvertes d'ajoncs, empierrées à la base, d'une largeur générale de quatre mètres, d'une hauteur de deux mètres en dedans et de trois mètres en dehors, dimensions amoindries telles que les ont faites, le temps, la nature et l'homme. » Au centre de la plus vaste enceinte, des restes de fossés indiquent la place du praectorium. L'entrée présumée du camp se trouvait auprès du bâtiment appelé Vigie ou Corps de garde de Saint-Michel, élevé en 1803 alors que les frégates anglaises se montraient souvent dans ces parages. Ce poste de surveillance commande le fond et l'entrée de la baie et domine la, mer et le pays tout entier. C'est de ce point qu'on découvre pour la première fois le Mont Saint-Michel et son voisin le roc de Tombelaine.

 

Du corps de garde de Saint-Michel, un sentier ramène à la Vallée du Lud où on franchit le Crapot sur le petit pont Harel et ou rentre à Carolles par le hameau de La Croix que les peintres habitent de préférence eu raison des ateliers qu'ils y trouvent.

Histoire des Bains de mer

 

La mode des bains de mer est relativement récente. Antérieurement au XIXe siècle, les bains dans la mer ne semblent guère avoir été pratiqués sauf dans les cas exceptionnels où certains médecins les prescrivaient pour tenter d'atténuer ou de guérir des maux rebelles aux médication habituelles. S'il faut en croire Madame de Sévigné on considérait au XVIIe siècle que les bains de mer pouvaient être efficaces  contre la rage du corps et de l'esprit  ; vers 1730, il y avait à Dieppe une maison de santé où l'on soignait par cette méthode des gens devenus fous à la suite de l'effondrement du système de Law : on conduisait les malades en pleine mer et on les jetait à l'eau attachés avec unie corde procédé, étrange dont nous ne savons pas si on  obtenait souvent de bons résultats.

 

En 1812, Dieppe s'enorgueillissait d'un établissement de bains où l'on pouvait prendre des bains d'eau de mer à tous degrés de température et où, lorsqu'on voulait se baigner dans la mer même, on trouvait des tentes pour S'y déshabiller et des guides  très sûrs pour conduire et soutenir les baigneurs.

 

Pendant, la première moitié du XIXe siècle c'est principalement pour des motifs d'ordre médical ,que des baigneurs se trempaient dans l'onde amère ; non sans prendre maintes précautions dont nous trouvons l'exposé dans un curieux ouvrage d'un médecin normand, le Docteur J. L COEUR, de Caen (1).

 

 « A son arrivée et avant de faire usage des  bains de mer, il  sera bon que le malade se repose pendant 2 ou 3 jours  pour s'acclimater avant toutes l'air plus vif du littoral... alors  seulement il commencera à prendre ses bains ; il ri 'y restera  que peu d'instants, vingt minutes s'il les prend chauds en baignoire, trois à quatre minutes s'il les prend frais ; il ne les prendra pas trop rapprochés et pourra laisser un intervalle  d'un jour entre chacun d'eux... Les personnes délicates  devront s'habituer progressivement aux bains de mer, les  prendre d'abord tièdes en baignoire en mélangeant à l'eau de mer de l'eau douce ou une substance émolliente, puis en  abaissant par degrés la température et en diminuant peu à  peu la quantité d'eau douce : le malade pourra alors  supporter le bain à la lame. »

 

 

(1) .Dr J. LE COEUR : Des Bains de Mer, guide médical et hygiénique du baigneur, Caen et Paris, 1846.

 

Le, Dr, Le Coeur tout, en s'excusant des  nombreuses lacunes de son ouvrage  (celui-ci comporte cependant 872 pages in‑8° !) entre dans le détail des recommandations pratiques, notamment quant aux  vêtements de bain  après avoir déclaré « qu' on peut se servir pour prendre le bain de mer de toute sorte de vêtement, neuf ou vieux, de quelque  étoffe que ce soit , il indique que  pour les baigneurs qui veulent faire les choses confortablement, il existe une sorte de costume (chemise avec pantalon réunis ensemble à la  taille et montés sur une même ceinture de façon à former un tout continu) moins disgracieux et moins grotesque que ces accoutrements souvent fantasques qui, sur les plages un peu fréquentées, font, par leur bizarrerie et leur excentricité,  ressembler le littoral à l'heure du bain au promenoir d'une  maison de fous. »

 

A l'intention des dames et demoiselles, le prévoyant docteur leur, signalé « que le pantalon constitue une pièce indispensable du costume de bain : il est à peu près impossible de se  baigner commodément avec une robe seule quelque longue  qu'elle soit, surtout si elles veulent nager, car le mouvement  incessant de la vague ne tarde pas à la relever et à mettre à découvert des choses que quelques peuples sauvages seuls  n'ont pas encore pris l'habitude de couvrir. »

 

L'auteur ajoute que « depuis quelques années, des fabricants de bonneterie ont fait établir à Caen des gilets ‑ caleçons de bain en tricot, véritables maillots d'une seule pièce, très légers, commodes pour les nageurs et, en même temps,  répondant aux exigences de la pudeur cependant leur ce inconvénient d'accuser un peu trop les formes me fait douter  qu'ils puissent jamais être adoptés comme vêtement de bain  pour les femmes. »

 

Dans un autre chapitre de son Traité, le D" Le Coeur distingue quatre manières pour le baigneur de pénétrer, dans la mer lentement, brusquement, etc. ; il déconseille toutefois la troisième manière, qualifiée  immersion par surprise qu'il décrit comme suit : « Certains baigneurs se font porter  par un guide robuste qui les tient horizontalement sur ses bras, et arrivé au point où l'eau a une profondeur d'environ  80 cm, il les trempe dans la mer une ou deux fois, généralement en commençant par la tête après quoi le sujet est replanté sur ses pieds tout suffoqué, haletant, presque  aveuglé, crachant l'eau salée qui se sera introduite dans sa

bouche spasmodiquement ouverte par l'effet du saisissement La mode a consacré cet usage dans presque tous lés établissements de bains de mer, au Havre, à Trouville, à Luc à Royan, etc.. Bien que ce procédé ait la faveur de beaucoup de baigneuses, je le trouve absurde et pitoyable : il ne devrait être employé que pour les malades auxquels il serait spécialement prescrit. »

 

Plus loin, l'auteur consacre un chapitre aux  guides ou sauveteurs  préposés dans les établissements de bains de mer à la surveillance des baigneurs :  « le guide doit atténuer

 ce que l'entrée dans l'eau peut avoir de pénible pour le baigneur  si la mer est houleuse, il s'interposera entré la lame et son client pour en amortir le choc... Les femmes et  les enfants ne devront jamais s'exposer à là mer sans être surveillés et dirigés par un guide... Il est bon que le guide sache nager, mais je n'en fais pas une condition indispensable pourvu qu'il ait le pied marin et qu'il soit prudent et ferme à la mer. »

 

Le savant médecin estime qu' «on a grand tort de vouloir  prendre plusieurs bains de mer par jour pour qu'une guérison soit solide et durable, il faut qu'elle survienne  graduellement. »

 

Pour les  étrangers  (à la localité), qui ne peuvent faire qu'un court séjour aux bains de mer, et pour les malades trop faibles ou ayant de l'appréhension pour l'eau froide; le Docteur Le Coeur estime que la cure peut. être continuée en faisant boire au malade de l'eau de mer « administrés à  l'intérieur, l'eau de mer est fondante, diurétique, vermifuge  et éminemment purgative... trois verres de 120 grammes  suffixent chez un adulte on peut employer l'eau de mer à  l'intérieur pendant un mois ou six semaines.. »  Mais l'auteur déconseille de faire fermenter du raisin sec dans l'eau dé mer suivant le procédé des anciens, mentionné par PLINE.

 

Nous arrêterons ici les citations de l'ouvrage. du praticien normand qui, dans sa dédicace au Recteur de l'Académie de Caen, indiquait son espoir d' « éveiller l'attention du monde  médical sur un moyen de thérapeutique trop peu étudié et  amener par réaction sur les divers points de notre littoral  plus d'étrangers encore que chaque belle saison 'n'y en  attire d'ordinaire. »

 

En 1850, dans un article de l'Illustration, destiné â vulgariser auprès du grand public l'usage des bains de mer Félix NORMAND insiste encore sur le rôle thérapeutique de ces bains (2)...

 

(2) L'Illustration, 27 juillet 1850.

c'est seulement dans la seconde moitié du XIXe siècle que la notion de cure médicale va progressivement céder la place à celle de divertissement, de repos et de sport, et donner naissance à une vogue qui désormais va s'accroître à un rythme sans cesse accéléré, corrélativement à l'amélioration et à la multiplication des moyens de transport.

 

Si nous recherchons les origines des bains de mer sur les plages de l'Avranchin, nous lisons dans le consciencieux rapport manuscrit rédigé en 1839 par le commandant PEYTIER, commandant la 5e Subdivision chargée des levés de la carte d'état-major pour les feuilles de Coutances et d' Avranches (3), rapport dans lequel il fait un exposé précis clés ressources de la région mentionnant parmi elles les eaux minérales ferrugineuses, nombreuses en Avranchin :

« Ces sources sont moins fréquentées depuis vingt ans, ce que l'on doit attribuer à l'adoption des bains de mer et à quelques changements dans la théorie et la pratique médicales. Depuis  vingt ans les bains de mer sont plus recommandés et on en fait, surtout depuis dix ans, un grand usage. L'arrondissement d'Avranches a des côtes très favorables pour prendre  ces bains ; on en prend au Mont Saint‑Michel, à la Roche-Torin, au Gué‑de‑l'Epine, à Avranches (au Pont‑Gilbert et  à la Bricqueterie, au rocher dit. Le Grouin du Sud, à  Vains, à Genest, sous les falaises de Saint‑jean‑le‑Thomas. et de Champeaux, lieu pittoresque et solitaire qui attire un  grand nombre de baigneurs, logeant à Saint‑Jean‑le‑Thomas, à Carolles, à Saint‑Pair (fréquenté chaque année par 150 à 200 Baigneurs qui préfèrent ce lieu à Granville à cause de la  cherté des loyers dans cette ville), et. enfin à Granville, ,dont les, bains, sont fréquentés chaque année, par environ. mille  personnes, dont la moitié de malades, qui doivent laisser. dans la ville au moins cent mille francs annuellement. Les bains de mer sont bons pour les gastrites, les gastro‑entérites, les douleurs rhumatismales, etc. »

 

En 1844, BOUDENT‑GODELINIÈRE (4) indique que  Saint-Pair est le rendez-vous de quelques baigneurs amis de la  retraite ; la plage y est aussi belle qu'à Granville, mais la mer y est beaucoup plus éloignée, surtout aux basses eaux ce qui est fatigant, pour les malades, tandis que GUIDELOU (5) vante aux bains de Granville l'élégance et la commodité des  cabanes des bains et signale que les baigneurs peuvent se réunir  dans un édifie en bois avec piano, salle de bal, salon de lecture et salles de jeux, préfiguration du futur casino.

 

(3) ,Archives Historiques. du Ministère de la Guerre, à Vincennes, Carton 1241, fascicule 28.

(4) BOUDENT‑GODELINIÈRE : Essai historique et statistique sur l'Avranchin, 1,844.

(5) GUIDELOU : Notice sur la Ville de Granville, 1846.

 

 

Ce sont aussi seulement les bains de mer de Granville et de Saint‑Pair qui sont mentionnés dans l'Avranchin Monumental et Historique de LE HÉRICHER (6), et dans le magnifique recueil in‑folio La Normandie Illustrée, publié en 1852 (7) ; les autres plages du .littoral avranchin restent ignorées.

 

Et pourtant, c'est vers la même époque que de GERVILLE écrivait, dans un ouvrage qui ne' fut publié qu'après sa mort (8) ces lignes prophétiques :  « ...Nous n'avons pas encore  parlé d'une chance très probable de succès pour notre pays  dans un avenir peut-être assez prochain. Aucun département sinon la Corse, n'offre une plus grande étendue de  côtes et plus de moyens d'établir des bains de mer. Depuis  quelques années, la médecine proclame les avantages de  ces sortes de bains. L'Angleterre les a adoptés sur presque  toutes ses côtes, et Partout leur introduction a produit  l'aisance dans les localités où se formaient ces sortes d'éta­blissements. Puissions ‑ nous profiter de ces exemples...  Quelques avances faites dans des positions telles que Saint Vaast... Pirou, Agon, Granville, etc., peuvent être payées au centuple. Nous abandonnons ce sujet aux méditations  des spéculateurs intelligents de notre pays et même de la capitale... »

 

Cette propagande faite en faveur des bains de mer ne semble avoir eu aucun écho dans la commune de Carolles qui, privée de voies de communication autres que des chemins ruraux étroits et incommodes (9), continuait, comme pendant les siècles antérieurs, à vivre repliée sur elle-même, comme d'ailleurs les communes voisines de Bouillon, Champeaux et Saint‑jean‑le‑Thomas, qui se trouaient dans une situation analogue.

 

Nous avons cherché en vain dans le registre des délibérations du Conseil Municipal de Carolles, de 1837 à 1855 (10) une allusion quelconque aux bains de mer ou aux baigneurs,

 

(6) LE HÉRICHER : L'Avranchin Monumental et Historique, 1845.

(7) La Normandie Illustrés , 2 volumes, in‑folio. 1852.

(8) de GERVILLE : Études géographiques sur le Département, de la Manche, 1854.

(9) Archives des Ponts et Chaussées, à Avranches. Arrêté Préfectoral du 29 juin 1843.    ,.

(10) Archives de la Mairie de CAROLLES.

 

ce , qui semble attester que ceux-ci devaient être fort rares à l'époque.

Une autre preuve de l'indifférence des habitants de Carolles à l'égard de la mode des bains de mer résulte du fait qu'en 1857 la commune ayant été autorisée, pour faire face aux frais d'un procès ruineux, à vendre un certain nombre de terrains communaux, comprenant notamment la  Mielle de Carolles  (11), partagée en deux lots : l'un, n° 8, d'une superficie de 3 ha. 60 a. 96 cas, nommé La Dune , borné à l'ouest par la mer, à l'est par le Crapeu, au nord par la commune de Bouillon et au sud par le chemin dit a Voie des Pêcheurs , comprenant ainsi l'ensemble des terrains connus aujourd'hui sous le nom de CAROLLES‑PLAGE, fut mis à prix 200 fr. et adjugé, le 5 mai 1857, pour 1.600 fr. a un cultivateur de Ronthon (12) ; l'autre lot, n° 9, de forme triangulaire, nommé  La Dune entre les Chemins, contenant 1,1 a. 50 cas, borné à l'ouest par la mer, et au midi, à l'est et au nord par des chemins, fut mis à prix 20 francs, mais ne trouva pas d'acquéreur ! Heureux échec qui laissa entre. les mains de la municipalité de Carolles le terrain maintenant occupé par les cabines, dont elle tire d'importants revenus.

Lés résultats de ces enchères témoignent éloquemment qu'en 1857 on ne prévoyait en aucune façon l'importance capitale que la plage allait prendre dans l'économie du pays.

 

Et cependant c'est précisément de la période 1850‑1860 que date le début des bains de mer à Carolles. Charles LE BRETON, qui fut pendant de longues années un des plus distingués membres de notre Société Archéologique, conte que, vers 1850, venait à Carolles a « une compagnie  d'Avranchinais grands amateurs de pêche, au nombre  desquels se faisait remarquer, avec sa figure originale, sa gaieté communicative, et ses saillies qu'on se plaisait à faire 'naître, M. ANGER, d'Avranches, un vrai type, auquel Carolles doit d'avoir ses bains. Nous nous souvenons du ton prophétique qu'il prit un jour, sur les hauteurs du Pignon.Butte‑Or, quand, s'adressant à l'ancien maire, M. Des roches,  il lui dit en montrant la plage :  Dans vingt ans, on  verra là cent cabines de baigneurs quand vous aurez ouvert  une route sur le flanc de la falaise  (13).

 

(11) Arrêté Préfectoral du 30 janvier 1857.

(12) Archives Notariales de Me LEMOINE‑LE CHESNAY, à Sartilly.

(13) Charles LE BRETON: Carolles, les promenades et les pêches du littoral, 1876.

C'est en :1860 que Carolles vit pour la première fois se fixer un estivant, M. SUVIGNY, avocat à Avranches, que son état de santé avait obligé à .quitter le Barreau de Paris et rentrer dans son pays natal ; charmé de l'aspect sauvage que présentaient la falaise et la plage, il fit l'acquisition, au  village  du Rocher, d'une chaumière qu'il fit restaurer et agrandir. . .

 

En 1863, un sculpteur parisien, M. BLANCHARD fit. construire sur la Hogue de la Fosse une maison rustique, la  Chaumière Normande , qui fuit la première villa de Carolles (14).

 

Ainsi se réalisait peu à peu la prédiction ale M. Anger, et dès 1867, LE HÉRICHER pouvait écrire :   « Une bonne  route conduit du village de Carolles jusqu'au, bord de  la plage on remarque sur le bord de cette route deux  mamelons qui appellent des habitations, la Hougue, du Baisier et la Hougue de la Fosse... Les gens du pays commencent à bâtir pour les baigneurs qui se font de plus en  plus nombreux chaque année et qu'attirent, outre les bains,  la pêche du bouquet et des soles avec la bichette, celle des  congres dans les rochers, etc.. La belle plage  du Pignon Butor n'a jamais été attristée par aucun accident. Si l'on ne  rencontre pas encore ici le confortable, on y. trouve du  moins le pittoresque, le calme des solitudes et la liberté. Si  l'on objecte la distance d'un kilomètre du village à la mer,  nous dirons que cette promenade est un exercice salutaire  et que, laissant les infirmes à d'autres rivages comme â des  hôpitaux, la plage de Carolles ne pourra être attristée par  les infirmités humaines. »  (15).

 

A la veille de la guerre de 1870, trois nouvelles villas avaient été construites, l'une par M. MARTIN, conseiller général de Sartilly, sur le Hutrel de la Court‑Greux, rocher aride dont il sut faire un jardin ombragé. l'autre par M. DES AIGREMONTS, propriétaire à Avranches, sur la Hogue du Baisier, et la ,troisième par Mme TRIBOUILLARD, sur le chemin de la Côte des Biaux.

 

Le désastre de Sedan et l'invasion allemande amenèrent sur les côtes de Normandie, et notamment à Carolles, des familles parisiennes obéissant aux prescriptions du Gouvernement de la Défense Nationale tendant à écarter de la capitale les bouches inutiles ; et certains des  réfugiés  qui avaient passé l'hiver de 1870..71 sur ce littoral en apprécièrent les charmes et y revinrent par la suite.

 

(14) Abbé BERTOT : Petit Guide illustré de. Carolles, 1914.

(15) LE HERICHER : Guide de Granville à Saint‑Malo, 1867.

 

Aussi, en 1876, Charles LE BRETON constatait‑il la vogue naissante des bains de mer de Carolles dans un opuscule, aujourd'hui introuvable ‑ où il chante en termes délicieux les agréments que le pays offre aux baigneurs ; « il ajoute :  Les  habitants mettent à leur disposition, pour les prix les plus modérés, des maisons entières qui, depuis quelques années,  ont pris à l'extérieur un air plus coquet, à l'intérieur une distribution plus commode et plus soignée. Les logements du bourg sont les plus recherchés ; quelques baigneurs trouvent cependant un nid dans les demeures plus modestes encore des hameaux retirés et vivent presque en Paysans, ce qui n'est pas toujours sans charmes. Un beau chalet, une riante chaumière et d'élégantes maisons de jour en jour  plus nombreuses formeront bientôt un nouveau village sur  le tertre qui domine la gorge sauvage du Pignon Butte‑Or. a L'étranger ne trouvera pas d'hôtel à Carolles, mais seulement deux auberges ; la plus ancienne porte un nom qui restera légendaire, celui de sa première et souriante hôtesse...

 

 Au pied de la falaise, sur la dune où le ruisseau du Léquet vient perdre ses eaux, sont jetées pêle‑mêle les cabanes des baigneurs devant lesquelles s'étend la plage... Ce site, si n frais quoique l'ombre y soit rare, est d'un aspect enchanteur... Sur cette plage privilégiée, pas d'établissement de bains qui  prélève un impôt sur le plaisir : la mer est à tout le monde, et chacun la prend son. gré, sans indication officielle, sans  limite imposée il n'y a ni côté des Hommes ni côté des  femmes et l'on s'y baigne en famille.

Au bord sont les bains à la lame avec les bruyants ébats,  les éclats de rire, les rondes joyeuses, les divertissements enfantins et les essais des nageurs débutants, tandis que les  intrépides vont au large, faisant la planche ou le plongeon.

 

Après le bain on s'installe, sans recherche et sans apprêt,  à l'ombre des cabanes. Entre baigneurs, les rapports s'établissent facilement, le temps passe en causeries où règne la plus franche gaieté pendant qu'enfants et jeunes gens se livrent aux jeux les plus variés. Ces distractions, simples et a primitives, ne sont pas les seuls plaisirs qu'on trouve à Carolles ; il y a aussi ses belles promenades et ses pêches si faciles. » (1 3).

 

L'obligeante amabilité d'un de nos parents nous permet de constater que l'enthousiasme de Ch.. LE BRETON était partagé par les touristes de passage, en nous communiquant des lettres privées écrites en août 1883, par jules SALLERON, fabricant d'alambics â Paris :  « Nous sommes à Carolles, dans un très beau pays, la vraie Normandie. La plage est  superbe ; quand la mer s'est retirée, le soleil est un vérita­ble miroir de sable.

Nous avons pêché des crevettes ; c'est  très amusant, mais assez pénible, car on doit conduire un grand filet très lourd et le maintenir contre les vagues ; bien  qu'on soit dans l'eau jusqu'à la ceinture, on sue à grosses gouttes... Nous sommes si bien ici, la  plage est si belle;. la pêche si fructueuse, la société si choisie, que nous, prolongeons notre séjour. Nous sommes criblés de coups de soleil  et notre appétit est insatiable. » (16).

 

Non moins élogieux est le Chanoine E.‑A. PIGEON, qui écrit, en 1888 :  « Carolles a une des plages les plus remarquables de France : les villas splendides qui couvrent ses côteaux et ses vallons en feront une des plus intéressantes  bourgades du littoral maritime. Cette station de bains est  fréquentée par une société distinguée et choisie. Il faut avouer que tout s'y trouve pour le plaisir des yeux : monts abrupts, vallons gracieux, ruisseaux couverts d'ombrages, grottes, rochers avec coquillages, dunes de sable, grève délicieuse  et commode, points de vue immenses et variés, mer azurée, barques pour la pêche, etc. » n (17).

 

Et en 1890, A. LEGRIN, président du Tribunal d'Avranches, écrivant dans la revue de notre Association un conte ayant pour cadre la plage de Carolles, en fait la description en ces termes :  « La station de Carolles est l'une des  plus pittoresques des petites plages normandes... Carolles  n'est point bruyant ; on n'y fait pas trois toilettes par jour ; ce n'est pas une plage où l'on pourrait suivre la mode nouvelle et prévoir ce que l'on portera l'année prochaine. On  n'y perd pas non plus son argent aux petits chevaux et au  baccarat ; il n'y a point de casino, et l'on s'y couche de  bonne heure. On passe l'après-midi sur la grève, les mères  surveillant les bébés courant sur le sable ou bâtissant gravement des monuments qu'un souffle détruit ; les hommes vont d'un groupe à l'autre, lisant le journal et échangeant leurs  impressions sur les faits du jour. Si la marée le permet, tout  le monde endosse son costume de pêcheur et, le filet d'une main, le croc de l'autre, va faire la chasse dans les flaques  d'eau aux crevettes et aux crabes cachés sous les pierres ;  bienheureux celui qui, par hasard, rapporte une sole, un  congre ou un mulet : il est le héros de la journée... La vie  n'est donc pas accidentée à Carolles, mais Est‑elle plus  monotone que celle qu'on mène à Trouville ou à Dieppe ?  Nous ne le croyons pas, et les gens qui baillent ci d'ennui sont plus nombreux sur les plages à la mode que, sur notre modeste grève.  (18).

 

(16) Archives Commerciales de la Maison DUJARDIN‑SALLERON, è Paris.

(17) E: A. PIGEON : Histoire du Diocèse d'Avranches, 1888, p. 353.

(18) Revue de l'Avranchin , tome V, page 340.

 

Si, en 1876, LE BRETON avait vanté la liberté dont jouissaient les baigneurs sur la grève de Carolles, la vogue de la station et l'accroissement du nombre des estivants amenèrent bientôt la municipalité à édicter des règlements sur la police de la plage.

 

Un arrêté municipal du 23 juillet 1882 créa un  impôt de stage  sur les cabanes de bains établies sur les dunes qui sont la propriété de la commune, le produit de cet impôt devant être affecté tant à l'entretien des bâtiments communaux qu'aux améliorations désirées par les baigneurs ; le taux fut fixé à 2 francs le mètre carré au premier rang, 1 franc au second rang et 50 centimes aux autres rangs, avec un minimum de neuf mètres carrés par emplacement ; les cabines devaient être alignées suivant les instructions du maire (10).

 

Le 16 juin 1885, nouvel arrêté municipal : Considérant qu'il est du devoir de l'autorité municipale de prescrire des mesures de police propres à prévenir les accidents et à empêcher que les baigneurs s'écartent des bornes de la décence le Maire décida :  la plage des bains de mer de  Carolles est divisée en trois sections délimitées par des  poteaux placés sur le rivage. La première section, limitée à gauche par les falaises et les rochers, et à droite par un mât  planté  sur la grève, est réservée aux femmes seules ; il est interdit aux hommes de stationner sur cette partie du rivage pendant l'heure des bains.

 

 La deuxième section, en face le terrain communal, compris  entre à gauche, le premier poteau et à droite, celui planté à  l'arrivée du chemin vicinal à la mer, est réservée aux baigneurs revêtus d'un costume ou maillot. Ces baigneurs seront tenus de se déshabiller et de se rhabiller dans une  cabine ou abri.

 

 Les hommes portant un simple caleçon ne pourront se baigner que dans la 38 section au-delà du dernier poteau à droite  il est enjoint de se déshabiller et se rhabiller le plus  prés possible du flot et de ne pas circuler en caleçon sur le territoire de la commune.

 

Il est interdit de baigner des chevaux sur les trois sections, de la plage réservées aux baigneurs, de jeter sur le terrain communal et sur toute l'étendue de la plage des tessons de bouteilles, coquillages (sic) et autres objets pouvant blesser  les pieds des baigneurs, et de tendre des lignes de fond  jusqu'à 300 métres au nord du dernier mât.

 

Le garde ‑champêtre est chargé de l'exécution du présent arrêté.

 

Cet arrêté n'ayant pas été abrogé, est toujours en vigueur ; mais il est tombé en désuétude depuis longtemps, et pratiquement les bains sont mixtes sur toute l'étendue de la plage.

 

C'est en 1884 que fut construite, par M. BERDIN, la première maison édifiée à proximité de la plage de Carolles ; élevée sur la rive droite du Crapeu (et par suite sur le territoire de la commune de Bouillon) et destinée à usage, d'hôtel, .cette maison fut dénommée  Edenville , nom qui, un demi-siècle plus tard, connut l'étrange fortune de servir de dénomination à l'ensemble de l'agglomération des maisons. bâties dans l'angle sud-ouest de la commune de Bouillon.

 

A cette époque furent commencées les études en vue, de la construction d'une route reliant. Carolles à Saint‑Pair

 

travers la grande mielle qui s'étendait du Pignon‑Butor à l'embouchure du Thar, région désolée où ne poussait aucun arbre et où les marécages, issus tant de ruets sortis de la mare de Bouillon que des eaux apportées par les marées dans les creux des dunes, avaient la réputation d'être si malsains que les douaniers affectés à ce secteur y étaient, jadis, envoyés par sanction disciplinaire (19).

 

Jusqu'en 1891‑92, date de l'ouverture de la nouvelle. route (G. C, 21, devenue maintenant R. N. 811). Carolles n'était relié à Granville que par le chemin vicinal passant. par Bouillon et Lézeaux ; la route construite en bordure du littoral allait donner un nouvel essor aux bains de mer de Carolles en même temps qu'elle allait favoriser la création d'une station nouvelle, Jullouville, dont nous parlerons plus en détail dans quelques instants.

 

Si Carolles apparaît au Bottin  dès 1882, c'est seule 1890 qu'on y trouve l'indication de deux hôtels . (Bénit et Lottin) ; en 1893, quelques lignes de publicité y signalent l'Hôtel des Bains (Lottin), maison de famille recommandée  aux touristes, situation magnifique, hôtel très confortable,

 

prix modérés, arrangements pour familles.  (20).

 

Les guides touristiques publiés au XIXe siècle ont très peu parlé de Carolles. Les guides JOANNE, édités en 1876 et 1881, mentionnent seulement la  falaise, sauvage  de Carolles comme un but d'excursion  à cinquante minutes à partir de Bouillon  et à 3 kilomètres de Champeaux, que ces guides indiquent comme station de bains de mer (21).

 

(19) P. de GIBON :  Le Pays de Granville, 1908. page 207.

(20) BOTTIN :  Annuaire des Départements, 1882, 1890, 1893.

(21) JOANNE : Normandie, 1876 ; Guide Diamant Normandie ,1881,

 

En 1902, le BAEDEKER précise qu'il y a à Carolles une  « belle plage à 1.500 mètres du village ; deux hôtels (des  Bains et Bénit ce dernier offrant 20 chambres et un prix de  pension de 6 francs). Service de voitures deux fois par jour  entre Carolles et le, restaurant Guillot, à Granville  trajet simple, 1fr. 50, et retour, 2 fr. 50. »  (22).

 

La grande publication entreprise par le Touring‑Club de France pour faire connaître les Sites et Monuments de France  ne consacre que quelques brèves lignes aux plages de l'Avranchin L'insuffisance de la plage de Granville a fait naître dans les environs de petites stations balnéaires modestes, mais très fréquentées pendant la belle saison...  Saint‑Pair, à.3 kilomètres, est une jolie plage entre deux  ruisseaux, le  Thar  et la  Saigue . Jullouville, 3 km..  plus loin, et Carolles, 4 km. au-delà, ont pris une assez grande importance encore que les communications ne soient  pas très faciles.  (23).

 

Mais quoique encore peu connue, la station balnéaire de Carolles ne cessait de croître ; de nombreuses villas furent construites tant autour du bourg que dans toute la partie nord de la commune, notamment à la plage, sur la falaise du Pignon‑Butor, et de part et d'autre. de la route de Carolles à Granville ; des commerçants ouvrirent quelques boutiques.

 

La maison de mercerie Michel Poittevin, 16, rue de la .Constitution, à Avranches. non seulement ouvrit une succursale à Carolles, mais encore fit imprimer chez Letréguilly, un Almanach du Baigneur sur là Plage de Carolles, dont la troisième édition parut en 1896. C'était un opuscule de 20 pages, dont deux blanches pour les annotations personnelles ; on y trouvait un court aperçu historique et descriptif. de Carolles, des renseignements pratiques sur l'horaire des marées, celui de la poste et des services de voitures, l'horaire des bateaux de Chausey et de jersey, des conseils aux Baigneurs pour les bains et pour la pêche, et même, sous la signature  A. L. , un poème chantant Carolles

 

Cherchez, de Bayonne â Calais

Une plage superbe

Unie et sans galets,

Des grottes, des rochers, un vaste tapis d'herbe,

Et puis au loin, bien loin, jusqu'au roc éclatant

Où resplendit Granville,

Un sable miroitant

Ainsi qu'un lac tranquille.

Avez‑vous vu, Madame,

Quand le lourd goëland

S'enlève sur la lame

De son vol bas et lent,

Les remous du sillon où la vague profonde

S'enroule et tombe en mugissant, Et la plaine luisante et blonde

Aux feux du jour naissant

Où les flots s'en vont murmurant

De confuses paroles,

Le long du bord courant

C'est CAROLLES.

 

Le village est là-haut perché,

Moitié maisons, moitié verdure,.

Blanc de vert panaché,

Avec de grands bois pour ceinture.

Suivez au sommet du plateau

La route ensoleillée

Qui vous conduit au hameau.

Aux méandres de la vallée,

Partout des villas, des chalets,

Disséminés sur la falaise,

Se carrent dans les coins discrets

Pour j jouir tout à leur aise

Du vent salin et de l'air pur.

Oh ! les suaves harmonies

Qui chantent dans le ciel d'azur,

Les échos des voix réunies

De l'air, de la terre et de l'eau ! (24).

 

En 1901, un emplacement fut concédé sur la plage même pour y installer un débit de boissons, qui prit le nom de  Chalet Bleu . La même année, un arrêté municipal  considérant que certains propriétaires de cabines se servent de  leur cabine comme lieu d'habitation pendant la saison des  bains et font beaucoup de tort aux maisons destinées à la  location et payant les impôts mobiliers, la patente, etc...  assujettit â un triple droit de stage les cabines reconnues  servir d'habitation même pendant peu de jours.  (10).

 

Les premières années du vingtième siècle furent témoins d'une accélération des constructions nouvelles, notamment en bordure de la mer sur l'ancienne mielle devenue Carolles‑Plage, sur le plateau de la Croix‑Paquerey, et sur les hauteurs de la Mazurie, où des villas entourées de jardins créèrent peu â peu des quartiers nouveaux.

 

(24) Almanach du Baigneur sur la Plage de CAROLLES, 1896.

Cet essor fut encore accentué par l'ouverture, le 29 août 1908, de la ligne de chemin de fer à voie étroite de Granville à Avranches par le littoral, construite par la Société de Tramways Electriques et de Chemins de Fer à laquelle se substitua, en 1910, la  Société des Chemins de Fer de la Manche . Entre les gares de Jullouville et de Carolles‑Bourg fut créée, à l'orée de la vallée du Crapeu, une halte dénommée  Carolles‑Plage  pour desservir la plage de Carolles ; la configuration du relief obligea à placer cette halte au flanc du Pignon de la Névouerie, sur le territoire de la commune de Bouillon ; entre cette halte et la plage s'édifièrent dans les années qui suivirent des hôtels, puis des villas, et ce fut le germe d'une. nouvelle agglomération qui n'a cessé de s'accroître depuis lors.

 

En 1914, quelques mois avant le début de la grande guerre, l'abbé BERTOT, curé de Carolles, publiait un Petit Guide de Carolles, dans lequel il constatait la prospérité de cette localité :  Aujourd'hui, Carolles est une jolie bourgade, riante et pittoresque autant que ville et campagne qui soit au monde. Elle possède gare, poste, télégraphe et téléphone(25), épiciers, bouchers, boulangers, hôtels très confortables, et tout ce qui peut satisfaire les exigences des nombreux touristes qui ne cessent d'y affluer chaque été  pour y trouver, avec une température modérée; un peu de repos dans la tranquillité. Cette petite station balnéaire mérite à tous les titres sa réputation. Les villas qui couvrent  ses coteaux et ses vallons sont situées dans un décor merveilleux. La vue de la mer, les vallées ombreuses, les ruisseaux, les rochers, les sentiers couverts d'ombrages, les points de vue variés, tout contribue à faire de ce charmant  petit coin un très agréable séjour au bord de la mer. Aussi  Carolles est‑il de plus en plus le rendez-vous d'une société distinguée et choisie qui préfère à la vie élégante et luxueuse la simplicité d'une campagne charmante.  (14).,

 

Pendant la guerre de 1914‑18, au cours de laquelle seize Carollais sont morts pour la France, la localité servit de refuge, comme pendant la guerre de 1870‑71, à des familles fuyant les risques de bombardement, et les constructions de maisons continuèrent, quoique à un rythme ralenti : alors que de 1910 à 1915, 25 nouvelles maisons avaient été construites,

 

(25) Le service postal a été assuré jusqu'en 1896 par le Bureau des P.T.T. à SARTILLY, qui continua jusqu'en 1902 à assurer la distribution du courrier bien qu'une recette auxiliaire ait été ouverte à CAROLLES en 1896 et un bureau de télégraphe en 1898. En 1902 fut ouvert un Bureau de Poste de plein exercice ; le téléphone fonctionna à partir de 1911. (Annuaire de la Manche).

 

‑ 13 le furent de 1915 à 1920 ; après une période troublée par les difficultés monétaires, le développement de la station reprit si activement que de 1920 à 1940 le nombre des maisons passa de 345 à 482 (26), justifiant ainsi la prédiction du Docteur Ad. OLIVIER, qui écrivait, en 1922, dans son opuscule sur  Carolles, Granville, Avranches et le Mont-Saint‑Michel

 

 « Carolles est un joli bourg qui prend chaque année de l'extension... Tous les ans on y construit de nouvelles villas. La  plage est superbe et absolument sûre pour les enfants. La  côte est bordée de splendides falaises, l'arrière ‑pays est  merveilleux et se prête à de nombreuses promenades. Aussi  le nombre des familles qui viennent y séjourner augmente - t ‑ il d rapidement. Que serait ‑ ce si le pays était plus connu ! »  (27).

 

En 1926, un arrêté préfectoral du 24 Mars autorisa la perception d'une taxe de stationnement sur les automobiles stationnant sur le terrain communal de la plage, taxe qui subsiste encore de nos jours.

 

En Novembre 1928, une tempête causa de graves dégâts au mur de protection ou digue limitant le terrain communal où sont édifiées les cabines.

 

En 1932, un  poste de secours  fut créé à la plage et tenu par les Hospitaliers‑Sauveteurs Bretons.

 

,, Le 12 Septembre 1934, un tragique accident, dont la cause resta inexpliquée, endeuilla la plage de Carolles : vers 18 heures, alors que de nombreux baigneurs étaient encore dans l'eau, une lame de fond d'une très grande force renversa et entraîna vers le large toutes les personnes se trouvant dans la mer ; si la plupart d'entre elles purent se sauver ou être secourues en temps, on eut cependant à déplorer deux victimes, deux jeunes femmes en villégiature, dont les cadavres, repêchés en mer par le canot de sauvetage, ne purent être ranimés malgré les longs efforts des médecins et des secouristes (28).

 

Malgré ce pénible accident qui est demeuré unique dans l'histoire des bains de mer à Carolles, la vogue de la plage ne cessa de s'accroître.

 

La guerre de 1939 provoqua un afflux de population exceptionnel ; non seulement beaucoup de familles d'estivants, notamment les propriétaires de villas, s'installèrent à demeure dans la localité et y passèrent l'hiver 1939‑40, mais encore, en exécution du plan de repliement des populations présumées

 

(26) Statistiques fiscales (Archives de la Mairie de CAROLLES).

(27) Dr Ad. OLIVIER: Carolles, Granville, Avranches et le mont Saint‑Michel, 1922.

(28) Ouest‑Eclair  du 13 septembre 1934.

menacées par les risques de guerre, la Manche étant un a département d'accueil , Carolles reçut un important contingent de a réfugiés  évacués de la région de Boulogne‑sur‑Mer.

 

Puis vinrent les tristes jours de l'occupation allemande ; le littoral ayant été déclaré zône interdite  à quiconque n'y était point domicilié, les a baigneurs  ne purent venir qu'en usant de mille ruses leur nombre fut très restreint. Un arrêté municipal de Juillet 1941 pris sur l'ordre de la Kreiskommandantur d'Avranches interdit l'accès des plages entre 22 heures et 5 heures et réglementa les bains ; des autorisations spéciales furent exigées pour la pêche, ‑etc... Les troupes allemandes occupèrent le Pignon Butor où furent effectués d'importants travaux militaires. Des mines furent placées en divers endroit Les Allemands enlevèrent nombre de cabines de bains qu'ils utilisaient pour les petits postes installés, çà et là sur les routes Et, en 1943, les  bains de mer étaient pratiquement impossibles.

 

La libération de Carolles par les troupes américaines du Général PATTON eut lieu le 31 Juillet 1944, mais ce n'est qu'en 1945 que l'état des voies de communication permit à quelques estivants de revenir ; encore l'existence de champs minés, la destruction presque totale des cabines de bains et la précarité des possibilités d'approvisionnement réduisirent-elles cette année là la reprise des bains de mer  à une tentative partielle.

 

Par contre, dès 1946, l'afflux des baigneurs fut considérable, d'autant plus que beaucoup de stations de bains de mer avaient été complètement dévastées par la guerre, tandis que Carolles avait eu la grande chance de voir ses dommages de guerre limités à des bris de clôtures, à l'enlèvement des cabines et au pillage de quelques villas.

 

Nous voici arrivés à l'époque contemporaine ; si les constructions de nouvelles villas sont ralenties par les hauts prix, elles n'en continuent pas moins, à Carolles même et surtout dans la zone de dunes comprise entre Edenville et Jullouville. Les baigneurs viennent nombreux, et une nouvelle catégorie, celle des  campeurs , constitue depuis cinq ans un appoint de plus en plus important.

 

Plusieurs  Colonies de Vacances , notamment celle de la Commune du Pecq installée dans l'ancien a Hôtel du Casino  contribuent pendant les mois d'été à renforcer l'animation de la plage où plusieurs professeurs de culture physique installent des attractions pour les jeunes gens et les enfants.

 

Tous ceux qui, pendant l'été 1953, sont venus à Carolles ont pu constater la prospérité de ses bains de mer : la vogue dont jouit cette station. balnéaire semble devoir s'accroître

encore  dans les années prochaines quand se réaliseront les projets de réaménagement de la plage et les autres améliorations envisagées par la Municipalité.

 

      Au cours du rapide exposé que nous venons de faire; nous nous sommes essentiellement attaché aux  bains de mer ; objets de notre étude, mais il importe de rappeler que, concurremment avec l'afflux des  baigneur. 9, Carolles a bénéficié depuis quelque 90 ans de l'attrait exercé par ses sites pittoresques sur les artistes peintres et sculpteurs ; nombre d'entre eux y ont fait des séjours prolongés ou même y    ont établi leur résidence, et' leurs oeuvres ont largement contribué à faire connaître et apprécier cette région de l'Avranchin.

 

Nous nous bornerons aujourd'hui à citer les noms des plus connus de ces artistes, en vous invitant à vous reporter pour le détail aux articles publiés dans la Revue de notre Société, notamment en 1882, en 1886 et en 1.939 (29).

 

C'est le sculpteur jules BLANCHARD dont les élégantes figures ornent à Paris l'Hôtel de Ville et le Grand Palais qui fut le premier artiste à s'installer à Carolles en faisant construire en 1863, sur la Hogue de la Fossé, la villa aujourd'hui dénommée La Hocque, où résident maintenant ses petits-enfants et arrière-petits-enfants.

 

Parmi les nombreux artistes qui suivirent son exemple, citons les peintres Edmond DEBON, dont l'atelier était au Hamelet, en la maison nommée  La Petite Normande  ; Emile DARDOIZE et son gendre Ernest SIMON dont le fils l'éminent maître Jacques SIMON continue de nos jours la tradition artistique familiale dans son atelier de la Bellengerie  au Hamel Geslin ; Constantin LEROUX, dont les pastels champêtres sont recherchés ;. BAUDOUX qui ,avait son atelier au  Clos d'Aval , à la Mazurie ; ‑ Pierre BERTHELIER, ancien acteur et caricaturiste devenu peintre, dont l'atelier était situé près de la Hogue du Baisier ;

 

Albert DEPRÉ, installé à la  Villa Bellevue , sur le Pignon Butor ;  René DURELLE, aquarelliste spécialisé dans la peinture des fleurs, etc...

 

Parmi les sculpteurs, Etienne LEROUX (auteur de la Jeanne d'Arc. de Compiègne) et son fils Eugène, avaient leur atelier dans la  Villa du Lude , au Hamel‑Geslin.

 

Parmi les architectes, Victor PETITGRAND (à qui l'on doit la flèche du Mont Saint‑Michel).

 

(29)  Revue de l'Avranchin , 1882 (p. 135), 1886 (p.113). 1931 (p. 722),

Il faut mentionner spécialement le fait que de 1880 à 1887 il y eut à ‑Carolles une colonie de peintres suédois : Pierre EKSTROM, Édouard ROSENBERG, Georg ARSENIUS, Johann TIREN, Julia BECK, Robert HEGERSTROM, Hulda SCHENSON, Hulda RIGBERG, Allan OSTERLIND, dont beaucoup sont !devenus célèbres ; leur présence avait apporté à Carolles des reflets de la vie nordique, et une jeune artiste d'Avranches, Marguerite BEAUMONT, écrivait en 1886

 

« Bien souvent, dans la paix du village endormi, des choeurs magnifiques, vieux lieds chantés sous la fenêtre. de  quelque dame suédoise ; alors cette fenêtre s'éclaire un  instant, puis rentre dans l'ombre tandis que, quelquefois, une fleur tombe aux pieds des chanteurs faisant comprendre qu'on est éveillée et qu'on écoute derrière les rideaux. Pour  les Suédois, la sérénade n'est pas comme pour les méridionaux l'interprète de l'amour, mais simplement une marque .d'estime, un hommage rendu entre compatriotes. »(29).

 

Carolles a aussi été choisi comme villégiature par des littérateurs : LITTRÉ, qui était excellent nageur, aimait à s'y baigner ; les chefs de l'école naturiste, Maurice LEBLOND, Eugène MONTFORT et Saint Georges de BOUHELIER . s'y sont rencontrés (30).

 

En conclusion de cette étude sur la station balnéaire de Carolles, il est intéressant de souligner l'importance des conséquences, quant à la vie de cette Commune, de la vogue 'des bains de mer.

 

On sait que Carolles est l'une des quatorze, communes du canton de Sartilly ; si nous comparons les résultats des recensements effectués depuis le début du XIXe siècle, nous constatons que de 1806 à 1946 ce Canton a perdu 33%

 

de sa population ; mais tandis que cette perte atteint .48 % dans les onze communes proprement rurales, il y a au contraire une légère augmentation du nombre des habitants à Sartilly, chef-lieu commerçant, et dans les deux communes de Carolles et de Saint-Jean‑le‑Thomas, ces deux dernières devenues localités de bains de mer.

 

En particulier, à Carolles, l'examen détaillé des chiffres des divers recensements (31)confrontés avec les statistiques de l'état ‑civil (32) nous montre que, de 1792 à 1876 la population de Carolles était tombée de 637 à 397 habitants, soit

 

(30) Jacques SIMON: Carolles (Manche), 1951, p. 99.

(31) Dénombrements de la Population Française: en 1793, Archives Nationales ; en 1806, Archives du Ministère de la Guerre, à Vincennes ; de 1820 à 1861, Almanach de la Manche; de 1866 à 1936, Statistique Générale de la France (Bibliothèque de la) ; 1946, Liste Nominative, aux Archivés de la Mairie de CAROLLES.

(32) Registres de l'État ‑Civil,, à la Mairie de CAROLLES.

une diminution de 240 unités, due pour 138 à l'excédent des décès sur les naissances et pour 102 à une  émigration  des habitants vers les bourgs et les villes, ce qui prouve que pendant les trois premiers quarts du XIXe siècle, Carolles a subi, comme les communes voisines, le phénomène de désertion vers les bourgs et les villes. Mais à partir de 1876, qui, comme nous l'avons vu tout à l'heure, marque le début de la vogue de Carolles comme centre balnéaire et artistique, la tendance change de sens, et on constate un accroissement presque constant de la population qui atteint en 1946, 714 habitants, soit un gain de 317 unités en 70 ans. Et comme pendant cette période il y a encore eu un excédent des décès sur les naissances s'élevant à  188 unités, c'est que le développement de la station balnéaire a eu pour conséquence l'afflux de 505  horsains  venus se fixer dans la localité.

 

Ces mouvements de population ont été accompagnés d'un profond bouleversement de la structure économique de la commune. Au milieu du XIXe siècle, Carolles était un humble village de pêcheurs ‑  cultivateurs, à l'écart des grands chemins :  Un boulanger de Sartilly venait deux fois par  semaine, un boucher de Champeaux apportait de la  viande tous !es vendredi ; une pauvre épicerie, tenue par la  garde ‑ champêtre ; une auberge au milieu de quelques chaumières, tel était l'aspect du village où l'on ne voyait guère  que femmes, enfants et vieillards, à peu près tous les hommes étant partis à la grande pêche à Terre‑Neuve, sur les  bateaux armés à Granville.  (14).

 

Maintenant, la localité compte 448 maisons (dont 179 habitées seulement pendant l'été) (10), deux boulangers, trois bouchers, cinq épiciers, cinq ou six hôtels ou pensions, des artisans de tous métiers : maçons, couvreurs, plombiers, électriciens, menuisiers, plâtriers, mécaniciens, peintres, etc. Granville n'arme plus pour la  grande pêche  et les Carollais ne s'embarquent plus pour Terre‑Neuve ; si un . certain nombre d'habitants, surtout dans les  écarts  du Hamelet, de la Lande et de la Chevallerie, continuent à vivre d'agriculture et d'élevage, les activités de la plupart sont concentrées dans l'exploitation de la  saison  estivale : la satisfaction des besoins et des désirs du  baigneur  est l'industrie essentielle du pays.

 

Il en résulte un rythme de vie économique très inégal, cette industrie étant intense pendant seulement deux à trois mois d'été, et la localité vivant au ralenti pendant le reste de l'année. Il en résulte aussi une certaine cherté du coût de la vie, l'appareil économique nécessaire en été pour faire

face aux besoins d'un nombre d'estivants évalué (approximativement) à trois ou quatre mille, étant disproportionné avec celui utile pour les sept cents habitants permanents, et subsistant néanmoins presque tel quel pendant toute l'année.

 

Ces conditions particulières de vie sont d'ailleurs communes toutes les stations balnéaires d'importance similaire, chez lesquelles les besoins exceptionnels de la  saison  estivale sont satisfaits par les organismes locaux au prix d'un gonflement momentané de leur activité, au fur et à mesure que s'accroît la prospérité de la localité.

 

Cette prospérité que traduit l'afflux des  baigneurs  a d'ailleurs des conséquences d'un autre ordre : on peut philosopher longuement sur les sentiments que peut inspirer aux habitants des localités balnéaires, et plus spécialement aux éléments jeunes de ces populations, le spectacle, renouvelé chaque année, des citadins  en vacances  qui, pendant toute la durée de leur séjour, vivent dans l'oisiveté et semblent n'avoir d'autres préoccupations que les distractions et la bonne chère ; ces  estivants  ne risquent ‑ils pas de donner ainsi, à ceux qui ne les voient que sous cet aspect de leur existence, une fausse et dangereuse conception de la vie dans les villes ?

 

Sans nous attarder à ces considérations qui dépassent le cadre de cette causerie, revenons à Carolles, et constatons que ce qui était au milieu du siècle dernier un obscur village avranchin est maintenant une station balnéaire appréciée dont le renom s'étend à travers le monde. Un ami de New‑York m'a envoyé un fascicule en langue anglaise diffusé aux Etats‑Unis par le Commissariat Général au Tourisme du Gouvernement Français pour inciter les Américains à visiter les plages de France dont il énumère les noms en consacrant à chacune d'elles une ligne de texte ; Carolles y figure en caractères de même grandeur que Cabourg et Houlgate, et y est décrite comme  Petite ville sur le bord de la falaise, avec des maisons en bordure de la digue‑promenade , offrant aux touristes  7 hôtels avec 200 chambres, 3 tennis, un casino (33). Ce dernier détail est peut‑être une anticipation, car s'il a existé â Carolles un  Hôtel du Casino  (maintenant colonie de vacances), il n'y a jamais eu de casino sur notre plage qui est essentiellement une plage de famille.

 

Disons maintenant quelques mots de JULLOUVILLE, située à deux kilomètres au nord de la plage de Carolles.

 

Au début du XIXe siècle, 'la rivière Le Thar sortait de la Mare de Bouillon, à l'angle sud‑ouest, sous les Bréholles

 

(33) Coasts of France: Commissariat Général au Tourisme, 1950.

(et non à l'angle nord-ouest comme aujourd'hui), et, après quelques sinuosités dans les sables, tournait brusquement de l'ouest vers le nord et coulait parallèlement à la mer (un peu à l'est de la Route Nationale actuelle) jusqu'au Pont-Bleu où elle rejoignait son lit actuel ; les marécages et les lagunes rendaient cette région très insalubre, ainsi que nous l'avons dit tout à l'heure. Avec le temps, des travaux d'amélioration furent entrepris et le cours du Thar modifié ; mais la limite: entre les communes de Bouillon et de Saint‑Pair continua à suivre l'ancien lit du Thar (19).

 

Dès 1845, LE H'ÉRICHER, contemplant la vaste étendue de mielle entre le Pignon‑Butor et l'embouchure du Thar, écrivait :  Après les beaux travaux qui ont couvert de bois de  pins les 120.000 hectares de dunes du Golfe de Gascogne et fixé le sol des landes, on pourrait bien fertiliser de vastes espaces sablonneux comme ceux du bord de la Baie du  Mont Saint‑Michel... A voir l'élévation du prix des terres, le mouvement des défrichements, l'élan qui emporte les villes  dans les campagnes, on peut légitimement rêver l'époque où  des bois verdoieront sur ces arènes (34) légères et mireront  leurs têtes dans les flots de notre océan en mariant leur voix  à celle de la mer...  (35).

 

Moins de quarante ans après que furent écrites ces lignes prophétiques, un habitant d'Avranches, M. JULLOU, et son gendre, M. DUPUY, se rendirent acquéreurs d'une quarantaine d'hectares de terrain  en nature de mielles , entre la mare de Bouillon et la mer, sur le territoire  des communes de Saint‑Pair et de Bouillon, et en firent apport à une société civile constituée lé 24 août 1881, en l'étude de Maître Lemoine ‑Le Chesnay, notaire à Sartilly, en vue du lotissement des terrains et de l'établissement d'une station balnéaire appelée  JULLOUVILLE  du nom d'un des fondateurs. Un plan d'ensemble des lots et des avenues, à créer pour les desservir fut établi, ainsi qu'un cahier des charges stipulant les conditions régissant la vente des parcelles ; les créateurs surent voir grand et fixèrent la largeur des avenues à douze mètres pour les deux avenues transversales de Carolles à Saint‑Pair et de Bouillon à Kairon et pour les trois avenues perpendiculaires à la mer, et à 7 mètres pour les autres voies. (36).

 

(34) L' arène terrée  est la partie du rivage intermédiaire entre le sable de la mielle et la terre franche.

(35) LE HÉRICHER : L°Avranchin Monumental et Historique, tome 1er, page 492.

(36) Association Syndicale des Propriétaires de JULLOUVILLE Notice, 1938.

En juillet 1887, M. Edmond LEMOINE‑LECHESNAY disait à une réunion de notre Société : , JULLOUVILLE, où  quelques hardis pionniers, séduits par la beauté et la grandeur du site, ont entrepris. d'aider la nature dans son enfantement et de renouveler les miraculeuses transformations  opérées à Cabourg il y a une trentaine d'années... Pour quoi, puisque la nature est sans contredit plus belle à Jullouville, puisque la plage est unique, ne verrions nous , pas affluer sur notre littoral un grande quantité de baigneurs préférant une villégiature modeste et saine à l'étalage  énervant et dispendieux des plages de luxe ?

 

 ...En me promenant dans les larges avenues de Jullouville,

 

 je vois poindre les haies de verdure et des petits bouquets de pins qui formeront bientôt un abri contre la chaleur.

 

L'encadrement du tableau est magique : quand on se promène au crépuscule dans ce dédale d'avenues, au pied de cet amphithéâtre de collines qui se détachent sur la ligne  bleue du ciel, on se croit au pays des rêves... Gravissant le  coteau voisin à la clarté de la lune rêveuse au-dessus du lac,  on a sous les yeux un paysage suisse en miniature et, à  l'horizon, la mer avec une ligne de côtes éclairées par des phares. n (37).

 

Les propriétaires des constructions ou terrains de Jullou­ville formèrent, le 13 août 1894, une association syndicale qui fut reconnue d'utilité publique par décret du 4 novembre 1895 et définitivement approuvée par arrêté préfectoral du 20 novembre 1895. Ses statuts prévoient les alignements, l'écoulement des eaux, les mesures d'hygiène, la surveillance des propriétés et tous intérêts collectifs. (36).

 

Grâce à ces mesures prévoyantes, la nouvelle localité prit un essor rapide. Auprès d'un petit casino (avec cercle et petits chevaux, et­ salle de théâtre) s'élevèrent des villas, quelques hôtels dont le plus ancien fut l'hôtel CHEVALLIER (actuellement Hôtel des Pins), et ensuite quelques boutiques et magasins. Un service de voitures publiques relia Jullouville à' Granville.

 

Dès 1898, un bureau du télégraphe fut installé à l'hôtel Chevallier ; un bureau de poste fut ouvert en 1912 et le téléphone introduit en 1914.

 

L'affluence des baigneurs incita les maires de Bouillon et de Saint‑Pair à prendre des arrêtés de police en mars 1896 pour fixer les conditions des bains ; l'article 7 prévoit que

 

(37) Revue de l'Avranchin n. 1887.

les personnes qui se présenteront nues hors de l'eau seront poursuivies devant les tribunaux compétents.  (38).

 

Des courses de chevaux organisées annuellement sur la plage, des expositions de peinture pour les artistes locaux, contribuèrent à la renommée de Jullouville, dont le développement fut favorisé par l'ouverture, en 1908, du chemin de fer de Granville à Avranches.

 

Au lendemain de la guerre de 1914‑18, une transformation du casino permit l'édification de l'Hôtel du Casino qui, avec ses 30 chambres et ses salles de bains, devint le plus confortable du littoral avranchin (39).

 

Le fait que la limite administrative entre Bouillon et Saint.‑Pair partageait Jullouville en deux fractions entraînait maintes complications ; une enquête, faite en 1934, montra que Jullouville avait sur Bouillon 46 maisons et 107 habitants et sur Saint‑Pair 99 maisons et 63 habitants ; après de longues négociations, le projet présenté par le Conseil Municipal de Bouillon fut approuvé par le Conseil d'Etat et un décret du 5 août 1935 (40) mit fin à cette anomalie et assura l'unité des stations balnéaires de Jullouville et de Kairon en substituant à la délimitation antérieure la rive nord de la Mare et du Thar jusqu'au Pont‑Bleu, puis le chemin 1 C 71 jusqu'à la mer (41).

 

La guerre de 1939 amena à Jullouville un nombre important de réfugiés du Nord, puis, en juin 1940, la réquisition de l'Hôtel du Casino par les Allemands, puis, de juin à novembre 1944, le repli dans cet hôtel des hôpitaux de Saint‑Lô et de Granville. Les Américains installèrent, en août 1944, le quartier général du Général EISENHOWER au Château de la Mare (le Général étant personnellement logé à Montgommery à Saint‑Jean‑le‑Thomas) ; le Q. G. fut transféré. à Versailles en novembre 1944. Jusqu'en 1946, l'Hôtel du Casino fut occupé par les services de l'U.N.R.R.A. (United Nations Relief Réhabilitation Administration).

 

En avril 1946, le recensement constata la présence à Jullouville de 395 habitants (contre 40 en 1891) occupant 130 maisons, soit près de la moitié de la population de la commune de Bouillon (41); en outre, la plus grande partie des 334 villas vacantes recensées dans la commune étaient sises à Jullouville

 

(38) Arrêté du Maire de BOUILLON du 9 Mars 1896.

(39) Guide Bleu  (Hachette  : Normandie, 1921.

(40) Journal Officiel  du 8 août 1935.'

(41) Archives. de la Mairie de BOUILLON

Il est â remarquer que, contrairement â ce qui s'est passé à Carolles, le centre communal de Bouillon (dont dépend Jullouville) est resté purement rural et ne participe nullement â la vie de la station balnéaire, bien que sa distance de la mer , ne soit guère supérieure â celle qui sépare le bourg de Carolles de sa plage ; la population agglomérée au  Hamel , de Bouillon a constamment diminué jusqu'en 1921 et reste stable depuis lors avec seulement 74 habitants (41).

 

Depuis 1946, la .station balnéaire de Jullouville n'a pas. cessé de. S'accroître, tant vers le nord dans la direction de Kairon • que vers le sud où l'on peut prévoir que, dans :un. avenir proche, les agglomérations de Jullouville et d'Edénville . se rejoindront et formeront, avec les villas de Carolles‑Plage

 

Une suite continue de chalets et 'de villas en bordure 'de la vaste et superbe plage qui s'étend du Pignon‑Butor à l'embouchure du Thar.

 

 

Marius DUJARDIN

H.E.C., Directeur. Honoraire

du Crédit Lyonnais.